L’illectronisme chez les seniors, comment éviter l’exclusion ?

Pour tous ceux qui font leurs courses sur internet, encaissent leurs chèques depuis leur smartphone, achètent leurs billets de train du fond de leur lit et demandent en même temps conseil par chat à leurs amis, il est difficile d’imaginer que le rêve numérique n’est pas encore devenu la réalité de tout un chacun ou plutôt qu’il puisse se transformer en cauchemar. Si certains se réjouissent de la dématérialisation annoncée pour 2020 de la plupart des démarches administratives de la CAF, des impôts et autres organismes principaux de l’Etat, d’autres appréhendent de telles mesures les renvoyant à une incompétence déjà largement handicapante. Certains sociologues et professionnels de l’illettrisme ont même fait remarquer que l’on assiste à un véritable phénomène de société qui engendre inégalités, sentiments de honte et exclusions similaires aux conséquences de l’illettrisme. Autrefois, la vie devenait vite le parcours du combattant pour qui ne savait ni lire, ni écrire. Aujourd’hui, il faut savoir cliquer et déchiffrer le nouveau vocabulaire incontournable : une chose est sûre, en acceptant les cookies, vous ne recevrez aucun biscuit aux savoureuses pépites de chocolat. 

Un savoir improvisé

Le développement fulgurant du net et son extension à toutes les sphères de notre existence nous fait parfois oublier qu’il a fallu s’adapter en un temps record, de manière officieuse, en surfant….sur la vague. Chacun vit le numérique à sa manière. Les uns ne peuvent plus s’en passer au quotidien, alors que leurs voisins boudent ce monstre des temps modernes avec scepticisme, tandis que les autres aimeraient s’en approcher mais se sentent démunis, gênés par leur incompétence et honteux de leur ignorance. Parmi ces derniers, certains s’en sortent tant bien que mal en se renseignant autour d’eux, en demandant de l’aide à leurs proches, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Alors comment font les autres ? Et bien, ils ne font pas... Selon l’enquête CSA Research réalisée en 2018 à la demande du Syndicat de la presse sociale, 88 % des français possèdent un ordinateur, une tablette ou un smartphone et pourtant nombreux sont ceux qui ne sont pas à l’aise avec la technologie digitale. En effet, 16 % ne surfent jamais sur le web et 32 %, toutes catégories sociales et professionnelles confondues, font partie des "abandonnistes", ceux qui renoncent régulièrement à une démarche en ligne.

Les seniors ne sont pas les seuls déconnectés

Contrairement aux idées reçues et au vu des résultats de récents sondages, toutes les couches de la société sont touchées par l’illectronisme, même les jeunes. Une affirmation difficile à croire d’autant plus que l’on a souvent l’occasion de les voir  jouer en ligne, partager des photos, commenter sur facebook. Plusieurs professionnels de l’éducation expliquent un phénomène de plus en plus marqué : les plus jeunes dégainent en un temps record en termes de jeux et de réseaux sociaux mais peinent fréquemment lorsqu’il s’agit d’utiliser l’outil informatique pour des recherches ou dans un but pédagogique. 

L’illectronisme chez les personnes âgées

Lorsque l’on aborde le sujet de l’illectronisme chez les personnes âgées, il est important de faire la distinction entre l’accès à un équipement parfois compliqué à installer pour eux et différentes incapacités qu’ils peuvent rencontrer lors de son utilisation. Selon une enquête de l’Insee, en 2019, 15,4% des 60-74 ans et 53,2 % des 75 ans et plus n’ont pas internet à la maison, tandis que 66,2% des 60-74 ans et 90% des 75 ans ou plus ont au moins une incapacité parmi les principales utilisations du numérique, à savoir, la recherche d’information, l’usage de certains logiciels comme le traitement de texte, la communication et l’accès à certains services comme l’e-banking.*  

Rendre les seniors autonomes face au numérique

Si les seniors font partie des personnes les plus touchées par l’illectronisme, les résultats des enquêtes montrent que le fait d’avoir des enfants ou non change considérablement la donne. Cela met en évidence le rôle important de l’aide des enfants et des aidants familiaux dans l’utilisation du numérique. Créer un accompagnement pour les personnes âgées et leur enseigner les compétences de base permettrait donc d’oeuvrer dans le sens d’une plus grande autonomie et d’un mieux-vivre au quotidien. Même des personnes parfaitement autonomes peuvent en effet se sentir dépendantes de leurs proches à cause du numérique et de sa prépondérance dans la plupart des interfaces administratives, culturelles et commerciales de notre société.  

Les résultats des enquêtes ont ainsi mis en évidence deux freins majeurs à l’utilisation du numérique par les personnes âgées : le manque d’intérêt et le manque de compétences, en particulier concernant les démarches en ligne. A l’heure où l’on s’avance vers une dématérialisation généralisées d’une grande partie de l’administration, cela risque de poser de véritables problèmes d’exclusion et de rendre les personnes âgées davantage dépendantes. Véritable enjeu de la Silver économie, il est donc impératif d’agir sur ces deux aspects principaux de l’illectronisme chez les personnes âgées. Qu’il s’agisse d’aider les personnes âgées ou, plus généralement, tous les exclus du numérique, certaines associations, conscientes de cette nouvelle forme de précarité, oeuvrent déjà en ce sens et, à l’image d’Emmaüs Connect, ont adopté comme priorité l’aide et l’accès de tous aux outils numériques essentiels à une intégration sociale et professionnelle. Cours de soutien, accompagnement personnalisé, plateformes internet sont régulièrement mis à la disposition de toutes les personnes en difficulté numérique, dans divers points d’accueil ou via les structures d’action sociale.   

Renforcer le lien social des personnes âgées 

Par ailleurs, le rôle du numérique en tant que  vecteur de lien social a également été largement mis en exergue par les études sur le sujet. Il apparaît ainsi comme un outil fondamental pour lutter contre l’isolement. Cependant, pour que la révolution digitale et sociétale que nous connaissons à l’heure actuelle leur soit profitable, il est impératif de combattre l’exclusion numérique des personnes âgées, qui touche surtout les plus de 80 ans et les personnes en situation précaire. Cet outil peut s’avérer d’une aide précieuse pour leur permettre de tisser des liens, de faire de nouvelles rencontres, de partager des loisirs, d’offrir une plus grande marge de liberté aux personnes dépendantes et handicapées, d’obtenir de l’aide et de gagner en terme de temps et d’effort, pour autant que l’on aide les seniors à franchir le pas. 

Comment aider les personnes âgées face au numérique ?

Selon les préconisations de diverses associations concernées comme Les Petits Frères des Pauvres, qui ont publié un rapport consacré à l’exclusion numérique des personnes âgées, une mobilisation générale de la société et des Services Publics doit être encouragée afin d’améliorer l’accès au numérique en réduisant les inégalités territoriales, d’aider à l’installation des équipements nécessaires, de proposer des tarifs d’abonnement très concurrentiels, de mettre à disposition systématiquement des services d’assistance de proximité, de simplifier les démarches administratives en ligne, d’aider les seniors à s’intéresser au numérique, d’adapter certains espaces en ligne et d’intégrer le web au quotidien des personnes âgées et enfin, de changer notre regard sur l’âge qui ne doit pas être synonyme d’inaptitude, de déclin des facultés et de désintérêt pour les nouvelles technologies.

*Source :https://www.insee.fr/fr/statistiques/4241397

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