Interview de Dr ZEITOUN SILLAM, orthophoniste
Avec Alexandra ZEITOUN SILLAM, Orthophoniste spécialisée en rééducation de la voix.
Par Carole MALCA- Psychologue- Coordinatrice sociale pour l’Organisme RETRAITE PLUS
CM : Pourriez-vous me décrire votre parcours professionnel ?
A Z-S : Je suis orthophoniste depuis 1995, j’ai une spécialisation en rééducation de la voix, j’ai d’abord travaillé dans le secteur du 94 avec en majorité une patientèle composée d’enfants. Par la suite, j’ai décidé de me rapprocher du Pr Jean Abitbol, ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris, oto-rhino-laryngologiste et phoniatre. Aujourd’hui la majorité de mes patients sont des adultes et des personnes âgées.
CM : Quel intérêt y a-t-il à consulter un orthophoniste lorsqu’on est atteint de la maladie d’Alzheimer?
A Z-S : La consultation d’un orthophoniste demeure indispensable, elle permet d’entretenir sa mémoire, de mieux communiquer, de stimuler les fonctions intellectuelles et de freiner l’évolution des complications inhérentes à la maladie.
CM : Le rôle de l’orthophoniste a-t-il évolué ?
A Z-S : Oui et considérablement, aujourd’hui l’orthophonie a évolué, son rôle ne se limite plus aux techniques de rééducation, son champ d’action s’étend désormais aux différents troubles de la communication et ses approches thérapeutiques se sont diversifiées.
CM : Justement concernant la maladie d’Alzheimer, quelles sont les nouvelles approches thérapeutiques ?
A Z-S : Un certain nombre de travaux ont montré l’importance de la prise en charge des troubles cognitifs et de la communication par des orthophonistes. Le but étant de rééduquer la mémoire immédiate, tous les canaux sont stimulés : le langage, la lecture, l’orthographe, l’orientation dans l’espace, l’odorat, le toucher, la vue…
L’objectif étant de stimuler le plus régulièrement possible la mémoire, ainsi on retarde l’aggravation de la maladie, mais aucune récupération totale n’est envisageable.
CM : Existe-t-il un traitement définitif de cette maladie ?
A Z-S : Non, à ce jour, on peut retarder sa régression mais on ne peut malheureusement pas l’enrailler.
CM : Quel est le rôle de l’entourage familial dans le traitement de cette maladie ?
A Z-S : Dans de nombreux cas, lorsqu’est posé le diagnostic par le médecin traitant, celui-ci se trouve démuni et impuissant face au désarroi du malade et de la famille. C’est là que l’intervention orthophonique apparaît comme une voie thérapeutique de premier ordre. En effet, en prenant en charge le malade et en incluant aussi l’entourage dans la thérapie (en lui expliquant comment adapter sa communication aux troubles du malade), on rétablit l’équilibre du micro-système dans lequel évolue le malade. L’orthophonie permet donc au patient-Alzheimer de retrouver sa place d’individu communicant.
CM : Quel risque encourt le patient si sa maladie n’est pas traitée ?
A Z-S : L’absence d’intervention thérapeutique va faire que ses capacités non utilisées vont disparaître beaucoup plus rapidement de la performance communicative du malade et cette disparition risquerait d’entrainer des troubles du comportement qui deviendront à terme le seul moyen dont le patient disposera pour communiquer.
CM : Le travail de l’orthophoniste peut-il être couplé par d’autres spécialités médicales ?
A Z-S : Absolument, je travaille d’ailleurs en réseau avec des psychologues, des ergothérapeutes, des kinésithérapeutes et des neurologues. Cette maladie s’accompagne très fréquemment d’un suivi psychologique, car elle influe sur le moral du patient.
Une bonne prise en charge nécessite l’intervention de plusieurs champs de compétences complémentaires.
CM : A quelle fréquence doivent s’échelonner les séances d’orthophonie ?
A Z-S : Idéalement la stimulation de la mémoire doit être régulière et s’effectuer tous les jours jusqu’en fin de vie. D’ailleurs j’ai noté que les patients qui interrompent leurs séances ont tendance à rapidement régresser. Il faut donc une stimulation quotidienne.
CM : D’après vous quels sont les facteurs permettant de ralentir la maladie ?
A Z-S : Il existe deux facteurs : le moment où la maladie est décelée, en effet plus le diagnostic est précoce, plus on pourra ralentir l’évolution de la maladie et prévenir ses complications. Il existe également un facteur socio-culturel, j’ai remarqué que les patients venant d’un milieu social aisé sont davantage habitués à une gymnastique intellectuel et donc moins réticents aux méthodes thérapeutiques.
CM : En conclusion, on peut en déduire qu’aujourd’hui l’intérêt de l’orthophonie dans le traitement de la maladie d’Alzheimer est officiellement reconnu.
A Z-S : Absolument !
Conclusion :
La prise en charge orthophonique des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ne permet certes pas leur guérison mais contribue à retarder le déclin actuellement irrémédiable des capacités cognitives et de communication.
Elle contribue aussi à éviter la mise à l’écart des malades de toute vie sociale en faisant comprendre aux proches que des moyens de communication adaptés existent. Ainsi les patients, grâce à une modification du comportement de leur entourage, continueront à être reconnus comme partenaires à part entière d’une vie relationnelle.
Toute l'équipe de Retraite Plus profite de cette tribune pour remercier le Dr Zeitoun Sillam pour son amabilité et sa disponibilité.
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