Services d’aide et de soins infirmiers à domicile : 51% sont confrontés à des cas de maltraitance ou de négligence envers les personnes âgées souffrant de troubles cognitifs !
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Tel est le constat qui vient juste d’être établi, au terme d’une enquête nationale menée par la Fondation Médéric Alzheimer en 2012, auprès de 1166 Services d’Aide et de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) et Centres de soins infirmiers à domicile. Parmi les 80 000 personnes prises en charge, 29% étaient atteintes de troubles cognitifs…
Négligence et maltraitance
Alors que la majorité des intervenants à domicile auprès de ces personnes âgées souffrant de problèmes cognitifs tels que la maladie d’Alzheimer et troubles apparentés déclarent avoir été confrontés à des faits de maltraitance et de négligence parfois graves, comme le manque de nourriture (réfrigérateurs vides, placards fermés à clé, aliments avariés) de vêtement, d’hygiène, d’attention (volets clos toute la journée, chaudière réglée au minimum par souci d’économie) et d’affection (isolement quasi-total), 63% des services évoquent des cas de maltraitance psychologique, 42% des cas de maltraitance physique (hématomes) et 32% des cas de maltraitance financière.
L’isolement et l’épuisement des aidants comme facteurs majeurs de risque de maltraitance
Hélas, force est de constater que « cette maltraitance, toutes formes confondues, est majoritairement le fait des familles, précise le rapport.Cependant,10 % des services ont signalé des cas de négligencedu fait de professionnels et 6 % d’entre eux ont été confrontés à des situations de maltraitancefinancière exercée par les voisins ou amis.»
Le mérite de ces interventions à domicile a donc, entre autres, permis de pouvoir alerter les services sociaux afin de tenter de mettre un terme aux souffrances endurées.
« Parmi les services qui ont déclaré avoir rencontré des cas de maltraitance ou de négligence, 218 soit plus du tiers (35 %) disent avoir procédé en 2011 à au moins un signalement de suspicion de maltraitance. Par ailleurs et indépendamment des situationsde maltraitance, 332 services de soins (28 % du total) ont déclaré avoir alerté les services sociaux pour des cas d’isolement social de personnes aidées atteintes de troubles cognitifs. »
L e respect de l’intimité et de la volonté des patients
Pour autant, ce qui frappe le plus à la lecture de ce rapport complet sur les difficultés quotidiennes rencontrées par les professionnels de la santé dans leurs interventions à domicile auprès de ces personnes âgées vulnérables, reste le souci permanent de respecter l’intimité et la volonté de leurs patients, malgré un état de santé défaillant, des troubles du comportement et des manifestations parfois très agressives auxquelles ces aides-soignants et infirmiers doivent faire face au quotidien.
Ainsi, 73 % des services interrogés déclarent recueillir l’assentiment des personnes atteintes de troubles cognitifs lorsque celles-ci ne sont pas en mesure de formuler leur consentement à la prise en charge, alors que 25 % recueillent uniquement celui de la famille.
Le refus de soin et de procéder à la toilette, notamment intime, demeurent des difficultés couramment évoquées par ces intervenants.
Vécue par certains comme un moment humiliant, la toilette fait souvent l’objet de réticence et malgré tout le professionnalisme et le savoir-faire des aides-soignants, ces derniers peuvent recevoir des insultes, voire des coups :
« Dans le cas d’un refus de soins ou d’opposition, le soignant est partagé entre assurer sa mission de soin ou respecter le souhait de la personne (...) confie le rapport. Il doit trouver un équilibre entre écoute des demandes et respect des besoins fondamentaux: « Nos actes sont à la limite de la maltraitance si nous voulons que les soins soient faits, mais on pourrait aussi parler de maltraitance si la toilette n’était pas réalisée; cela pourrait être une négligence par manque de soins. »
Ainsi, dans un certain nombre de cas, la prise de médicament comme la toilette sont effectuées, au plus grand regret des intervenants, à l’encontre de la volonté de la personne.
A cela s’ajoute parfois l’ingérence de la famille, lorsqu’elle est présente, qui décide de tout, comme de la fréquence et du moment des soins, à la place du patient à qui l’on omet trop souvent de demander son avis, dans le cas où il peut encore le formuler…
Quelle est la limite entre le devoir de sécurité et l’entrave à la liberté de circuler ?
Régulièrement, des familles demandent aux services de soins à domicile de fermer la porte à clé après leur passage, par peur de fugue, d’autres, d’attacher avec une sangle leur proche au fauteuil pour éviter les chutes. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes d’ordre éthique :
«Considérant que fermer à clef le domicile après l’intervention constitue un « non-respect des libertés », un « non-respect de la liberté d’aller et venir », il arrive que les équipes s’y refusent. » D’autant qu’une personne enfermée ne peut pas sortir de chez elle en cas de danger dans la maison.
Certains estiment que «même avec une prescription médicale, la mise en place d’une contention reste très difficile et souvent mal vécue par les intervenants. » évoquant « des problème de conscience lorsque l’on doit poser une ceinture de contention et qu’à notre départ la personne réclame son retrait ».
Alors que faire si la personne est complètement isolée, risque à tout moment de sortir et de se perdre, comme en témoignent les récents événements survenus cet hiver avec plusieurs malades d’Alzheimer retrouvés mort de froid ?
Fermer à clé peut également lui éviter la visite de cambrioleurs…
De manière générale, il est toujours très difficile pour les équipes intervenant à domicile «de laisser seule une personne atteinte de troubles cognitifs, une fois le soin réalisé, alors qu’elle réclame notre présence ». Et d’évoquer « un sentiment d’abandon de la personne qui reste seule la nuit ».
Ce qui pose la question récurrente des limites du maintien à domicile.
Souvent envisagée par les familles et les équipes de soins à domicile, comme une meilleure solution, l’entrée en établissement se heurte parfois au manque de place ou de moyens financiers.
Confrontés alors à un nouveau dilemme, ces intervenants expliquent que : « L’arrêt de nos interventions est impossible au regard des besoins de cette personne, mais la poursuite de notre prise en charge cautionne la situation ».
Parfois, la personne âgée devenue dépendante refuse malgré tout d’intégrer un établissement adaptée à sa pathologie, et préfère rester chez elle. « Il faut alors essayer de concilier le projet de vie de la personne et l’obligation de lui porter assistance. » souligne le rapport.
Enfin, 64 % des services ont été souvent confrontés à des situations d’épuisement des aidants familiaux. Dus notamment aux troubles du comportement (82%) des personnes désorientées, et à l’aggravation de leur état de santé.
Face aux besoins grandissants de soins, d’assistance, et d’attention de chaque instant, l’aidant d’une personne souffrant de démence ou d’Alzheimer, peut très vite crouler sous le poids des charges.
Et le rapport de citer l’exemple d’une épouse dont le mari était malade et qui « s’est épuisée à le garder. Elle a fini par accepter le placement, mais elle est décédée un mois plus tard, alors qu’elle avait 72 ans et pas de pathologie particulière. Fallait-il éviter ce placement? Ou l’organiser plus tôt? Interroge le rapport de la fondation Médéric Alzheimer, avant de conclure que : La question des limites des aidants est cruciale à domicile ».
D’autant que 40% des aidants de patients Alzheimer décèdent avant leur conjoint malade…
*Source : www.fondation-mederic-alzheimer.org Mars 2013. Enquête nationale soins infirmiers à domicile et maladie d’Alzheimer.
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