La maison de retraite ferme

Les trente-deux pensionnaires ont du quitter la résidence que tous appelaient « la maison ».


« Ici, j’avais trouvé une deuxième famille et bientôt, tout sera fini. Je vais être obligée de quitter ma maison ». Confortablement installée dans la petite salle commune de la résidence « Le domaine des Cèdres », Simone se laisse déborder par l’émotion. Agée de 85 ans, elle est pensionnaire de cette maison de retraite du hameau d’Hanneucourt depuis 15 ans. Ici, elle se sent chez elle.

Pourtant Simone, comme une douzaine d’autres résidents, vit ses derniers moments à la résidence des Cèdres. L’établissement non médicalisé est condamné à fermer ses portes par arrêté préfectoral. Celui-ci, en date du 23 janvier, impose la fermeture à titre provisoire.

Dans son arrêté, le préfet, Pierre Niquet, fait état de plusieurs inspections de la DDASS (direction départementale des affaires sanitaires et sociales) et de la DASDY (direction des affaires sociales du département des Yvelines) en août 2000, décembre 2003 et le 16 janvier 2004. Cette dernière visite inopinée, conduite à 7 heures du matin, a révélé des manquements et des dysfonctionnements.


Le rapport de l’inspection pointe du doigt « une prise en charge insuffisante et un fonctionnement engendrant des situations de maltraitance ». La DDASS et la DASDY ont noté une insuffisance de personnel qualifié et une absence de personnel de nuit. Le fonctionnement de la structure est également mis en cause. Les services sanitaires ont estimé que la sécurité des pensionnaires n’était pas assurée.

Selon l’arrêté, « les conditions d’hébergement, d’installation, d’organisation et de fonctionnement de la structure ne sont pas compatibles avec le niveau de dépendance des personnes âgées accueillies ».


Aucune plainte déposée


Dans les familles, c’est l’incompréhension. « La DDASS nous a prévenus par téléphone que l’établissement allait fermer dans moins d’un mois. Ils nous ont envoyé la liste des maisons de retraite du département. Ce n’est pas une façon de faire. On nous met devant le fait accompli, sans compter que personne ne nous a expliqué les motifs de cette fermeture », commente Guy Parpaite, dont la belle-mère est hébergée au Domaine des Cèdres.

Même abattement du côté de la direction. Après avoir mené plusieurs démarches pour sauver l’établissement, elle s’est résignée à le fermer avant la fin du mois. « Ça a été un coup de massue. La DDASS ne nous a pas donnés le temps de nous retourner, ni même de nous défendre. Avant que nous réagissions, elle a imposé l’évacuation des résidents. Il n’y a pas de problème dans le fonctionnement de l’établissement et aucune plainte n’a été déposée par les familles pour mauvais traitement. C’est l’encadrement au niveau des infirmières et gardes de nuit qui pose problème. Nous avons passé trois conventions avec des infirmières libérales et nous avons trois aides-soignantes et un médecin qui viennent régulièrement. Pour ce qui est de la garde de nuit, c’est la direction qui l’assure elle-même. Depuis l’ouverture de l’établissement en 1985, nous n’avons eu à déplorer aucun incident la nuit. Cet été, personne n’a subi les effets de la canicule. Pourtant, on parle de maltraitance. Pour le moment, notre priorité c’est de mettre tous nos pensionnaires à l’abri, comme nous l’a demandé la DDASS ».


Déjà trois hospitalisations


Dans les couloirs de la maison de retraite, des dizaines de lettres de témoignages recouvrent les murs. Spontanément, les familles ont tenu à exprimer leur soutien à la direction et au personnel. Un geste qui a beaucoup touché Yann Pérégenti, le directeur.

« Tous ces témoignages lèvent les soupçons de maltraitance. Visiblement tout le monde était satisfait de l’accueil, des conditions d’hébergement et des soins dispensés. Il est évident que les résidents vont pâtir de cette fermeture. Une de nos pensionnaires a entamé une grève de la faim car elle ne voulait pas partir et trois autres ont déjà été hospitalisés depuis leur départ ».

Aujourd’hui, la quasi-totalité des trente-deux pensionnaires a quitté la résidence des Cèdres. Devant l’urgence de la situation, quatre d’entre eux ont pu être transférés au « Clos-St Jean » à Gargenville qui ouvre douze lits spécialisés pour la maladie d’Alzheimer. Mais l’agrément ne sera donné que le 16 février par la DDASS.


Les familles, elles, ne comptent pas en rester là. Elles envisagent de créer un collectif pour éviter la fermeture définitive du site et réhabiliter l’image de la résidence du Domaine des Cèdres.



Source: Courrier de Mantes