Les déficiences sensorielles chez les personnes âgées


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Les déficiences sensorielles concernent des milliers de personnes en France et dans le monde. Parmi elles, de nombreux seniors. Troubles non corrigés, prise en charge médicale incomplète et trop rare, les causes de ces déficiences sont nombreuses et peuvent considérablement affecter le quotidien des personnes concernées et de leur entourage. Avec Delphine Dupré-Lévêque, faisons le point sur un problème de santé trop souvent négligé. 

Quelles sont les déficiences sensorielles les plus fréquentes chez les personnes âgées ?

En France, il y a 8.7 millions de personnes déficientes auditives[1] et ou visuelles. La déficience auditive[2] est la déficience la plus fréquente en France puisqu’elle concerne environ 7 millions de français.

  • 300 000 personnes présentent une surdité complète
  • Un peu plus d’un million de personnes sont considérées comme malentendantes
  • Les autres personnes déficientes auditives présentent des surdités variées, surdité d’une oreille, presbyacousie, etc..

 Au-delà de 60 ans, près d’une personne sur trois est concernée par un trouble de l’audition.

La seconde déficience sensorielle la plus fréquente en France est la déficience visuelle.
On estime qu’il y a environ 1.7 millions de personnes déficientes visuelles (environ 3% de la population)

  • 560 000 sont des déficients légers
  • 932 000 sont des déficients moyens
  • 207 000 sont malvoyants profonds
  • 61 000 sont aveugles

La déficience visuelle augmente avec l’âge. 20 % des 85-89 ans ont une déficience visuelle grave et ce taux dépasse les 35% à partir de 90 ans. Compte tenu de l’évolution démographique, de l’augmentation du nombre de personnes de plus de 60 ans et surtout de plus de 80 ans, ces déficiences sont à prendre en compte tant en matière de prévention que d’accompagnement.
Au-delà de 60 ans, les principales causes de déficiences visuelles sont des troubles de la vision non corrigés (beaucoup de personnes portent des lunettes mal adaptées), la cataracte, le glaucome ou encore la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Compte tenu de l’évolution de la population française, ces problématiques sont déterminantes en matière de prévention et d’accompagnement.

  Moins de 20 ans 20-59 ans +60 dont 75 ans et +
1901 34.1 53 17 2.5
1950 30.1 53.6 16.1 3.8
1990 27.8 53.2 19 6.8
2020 23.9 49.6 26.4 9.4
2060 22.1 45.1 29.1 13.2

Evolution de la répartition des catégories d’âges de population française en % ( Insee 2020)

Au 1er janvier 2016 en France, plus de 16 millions de personnes ont atteint l’âge de 60 ans, près de 4 millions ont au moins 80 ans et ces chiffres devraient encore considérablement augmenter dans les années à venir. En 2060, presque 24 millions de français auront au moins 60 ans. Mais si avec l’âge, il est fort probable d’avoir une baisse de l’ouïe et de la vue, les autres sens peuvent être aussi impactés.

Quels sens peuvent aussi être affectés chez les personnes âgées ?

Le goût, l’odorat, le toucher et beaucoup moins connu le vestibulaire.
On pense souvent que perdre le goût (agueusie) et l’odorat (anosmie) ne sont rien à côté de perdre la vue ou l’audition. Pour autant, nous avons besoin de l’ensemble de ces sens pour notre équilibre physique et psychique.
Selon les chercheurs, il n’est pas toujours évident lorsque l’on a une diminution du goût de savoir si cela vient vraiment d’un trouble de la gustation ou d’un trouble de l’odorat. Dans tous les cas, la perte du goût a un impact très important dont on mesure aujourd’hui toute l’importance. Il est probable que la prise de conscience de cette déficience sera même beaucoup mieux prise en compte dans les années à venir, compte tenu de l’épidémie liée au Covid. Environ 20% des personnes infectées par ce virus ont perdu le goût et ou l’odorat. C’est donc un symptôme assez fréquent du covid. Jusque-là peu d'infections virales avaient cet effet.
Si les chercheurs ont pu observer la proportion de personnes atteintes par une perte de goût et ou d’odorat consécutivement au virus du covid, on ne sait pas combien de personnes, en dehors de ce virus, souffrent de ce problème. Par contre, ce que l’on sait c’est que perdre le goût et/ou l’odorat a un impact direct sur la nutrition. C’est sans doute une des raisons qui fait qu’aujourd’hui en France, deux millions de personnes souffrent de dénutrition (pour 670 000, ce sont des personnes âgées à domicile ou en Ehpad). Les déficiences sensorielles concernant le toucher et le vestibulaire sont moins fréquentes mais elles ont aussi des conséquences importantes.

Déficiences gustatives et olfactives, que faire ?


Les déficiences gustatives et olfactives sont souvent considérées comme des déficiences secondaires, peu importantes, voire même sans conséquence et font l’objet de peu d’observation de la part des professionnels de santé comme des proches aidants. Pour autant, ces déficiences sont très importantes à prendre en considération puisqu’elles impactent sur notre envie de manger ou non.
Lorsqu’une personne perd de l’appétit, du poids, le médecin a tendance à prescrire une série d’examens pour comprendre et rarement la perte du goût (agueusie) et de l’odorat (anosmie) est évoquée. Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de la perte du goût. Pour le covid, la perte du goût et de l’odorat est un critère qui a été repéré mais pour la plupart des personnes qui l’ont contracté, la perte a été temporaire. Si la perte durable du goût[3]est connue pour les consommateurs de tabac et d’alcool, elle est aussi assez fréquente pour les personnes souffrant de diabète, de cancers, de maladies neuro-dégénératives notamment. La perte du goût ou de l’odorat peut aussi venir de la prise de certains médicaments qui peuvent soit modifier la perception du goût, soit entraîner des sécheresses buccales.
Enfin, très peu souvent évoquée, la perte du goût et ou de l’odorat peut venir d’une mauvaise hygiène dentaire, de dents en mauvais état ou d’un mauvais entretien de l’appareil dentaire. Dans cette dernière situation, avec une hygiène bucco-dentaire régulière, le goût peut revenir rapidement.

Quel impact a la perte du goût sur notre santé ?


Les conséquences sont bien plus importantes que l’on ne peut l’imaginer. La perte du goût entraîne une perte de l’appétit, une perte de poids, un risque accru de chutes, d’hospitalisations et d’accélération de la perte d’autonomie pouvant conduire à des décès prématurés. On estime même que 40 % des personnes âgées sont hospitalisées pour des causes de dénutrition.[4]

Est-il possible d’y remédier et comment ?


Humer une bonne odeur donne envie de manger, éveille les papilles et donc met en appétit … quand une personne ne (res)sent plus ni avec son nez ni avec sa bouche, cela devient beaucoup plus difficile…
Mais il est possible d’agir. En premier lieu, il faut vérifier si la perte de goût n’est pas liée à un problème d’hygiène bucco-dentaire voire d’une mycose, auquel cas, la perte de goût ne sera que passagère. Vous pouvez échanger avec le médecin pour savoir si cela n’est pas lié à un médicament spécifique et si oui, voir avec le médecin s’il est possible de changer de traitement.
Pour les autres situations, il va falloir procéder autrement et faire preuve de créativité. L’objectif va être de donner envie de manger.
Commencez par de l’échange avec la personne concernée. Que vous soyez proche aidant ou aidant professionnel, vous pouvez évoquer avec elle ses meilleurs souvenirs concernant les repas qui ont marqué sa vie, les plats qu’elle a tant aimés, les plats que faisait sa mère, une tante, les plats qu’elle aimait réaliser, sa spécialité. Vous pouvez vous mettre au défi de les réaliser, lui demander de vous transmettre la recette, son secret, son petit plus et l’impliquer au maximum lors de la préparation.

L’implication maximum pour une préparation passe par :

  • Une évocation des souvenirs ;
  • La remémoration de tous les ingrédients et ustensiles nécessaires à la préparation, (c’est à dire noter sur une liste tous les ingrédients et vérifier la possibilité matérielle de la réaliser) ;
  • Une incitation pour que la personne vous accompagne faire les courses : cette étape est très importante. Aller faire les courses au marché, au supermarché oblige la personne à se préparer, la maintient dans une certaine activité physique. En effet, aller faire les courses oblige à marcher. Le caddie peut même être utilisé comme un support à la marche. Au marché, comme au supermarché, les couleurs, les odeurs s’entremêlent. La personne y croise du monde, y croise la vie. Tout cela peut mettre en appétit ;
  • Une sollicitation au moment de la préparation de la recette pour que la personne s’implique au maximum et selon ses capacités ( éplucher, mélanger, etc..).


Réfléchir, chaque semaine en amont, à tous les menus avec la personne, afin qu’elle choisisse selon ses envies et les élaborer en fonction de la saison.

S’assurer que chaque plat soit adapté aux problèmes éventuels de mastication.

Tout mettre en œuvre pour faire du moment du repas un temps agréable et si possible convivial :

  • Mettre un peu de « magie » à chaque plat : de l’entrée au dessert assurer une jolie présentation ;
  • Préparer une jolie table (ne pas laisser toutes les boîtes de médicaments sur la table par exemple), mettre une fleur dans un vase, une nappe, une serviette.


Manger à l’extérieur. Si la personne est seule, tout mettre en œuvre pour que, régulièrement (au moins une fois par semaine), elle puisse déjeuner en compagnie. Encore une fois, sortir de chez soi, partager un moment convivial met en appétit. Un repas en extérieur une fois par semaine, cela peut se traduire par :

  • Un repas au restaurant 
  • Un repas au sein d’un foyer-restaurant 
  • Un repas dans un Ehpad ou dans une résidence sénior ou résidence autonomie (avec la possibilité d’y passer l’après-midi) au plus proche de chez la personne et où l’ambiance y est conviviale


Inviter, par exemple, régulièrement la voisine à l'heure du goûter pour échanger et partager un moment convivial autour d’un thé, d’une tisane, accompagnés de petits gâteaux et, en échange et selon les organisations et les possibilités, aller régulièrement chez sa voisine.

A savoir : « Je n’ai plus goût à rien », est parfois la traduction d’une perte de goût et/ou de l’odorat. Un repas ne peut se limiter à ses qualités nutritionnelles (à un bon équilibre entre protéines, glucides, féculents..). Un repas c’est un tout : des odeurs, des couleurs, du partage, des saveurs mais aussi des souvenirs…
Mon conseil : Chaque année au début du mois de novembre, le collectif de lutte contre la dénutrition met en place partout en France de nombreuses actions. N’hésitez pas à vous renseigner, à suivre des ateliers, à prendre des informations pratiques.
https://www.luttecontreladenutrition.fr/

[1] Données issues du Plan handicap visuel 2008-2011 de l’INSEE. consulter les données de l’INSEE.
[2] Données issues de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Ministère des Affaires Sociales et de la Santé), d’après l’enquête Handicap Santé Insee – août 2008. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter les données de la DREES.
[3]https://www.hassante.fr/upload/docs/application/pdf/201904/revue_de_litterature_deficiences_sensorielles_livrable1.pdf
[4] Semaine Nationale de la dénutrition, du 12 au 20 novembre 2021.
Pour en savoir plus :
https://aveuglesdefrance.org/
https://www.fondationvalentinhauy.fr/la-fondation

 

 

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